Notre-Dame-des-Landes : des prévisions de trafic gonflées ? (Terra éco)

Publié le 5 Mars 2013

04/03/13 - Les prévisions officielles sur l’activité du futur aéroport de Notre-Dame-des-Landes font décidément froncer bien des sourcils. Après la mise en lumière de sérieux doutes sur les avantages financiers du projet, ce sont les estimations de passagers que Terra Eco a détricotées.

Pour déclarer le projet d’utilité publique, les décideurs politiques se sont basés sur une enquête réalisée en 2006 par la très sérieuse Direction générale de l’aviation civile (DGAC). Dans le plus beau des scénarios, le document promet au futur aéroport quelque 8,5 millions de voyageurs à l’horizon 2050. Soit près du triple de la fréquentation actuelle de Nantes-Atlantique. Une justification de poids pour la construction d’un nouvel aéroport, plus grand, plus loin… Mais personne, parmi ceux qui se sont amusés à décortiquer tableaux et graphiques de cette enquête préalable à la déclaration d’utilité publique (DUP), ne parvient à comprendre sur quoi ces prévisions sont fondées.

Des chiffres à diviser par deux ?

« La DGAC n’intègre pas les aspects rails »

Février 2013 : même chargé de communication, même question posée cette fois par Terra eco. La DGAC a t-elle pris en compte l’impact des futurs LGV dans ses estimations de trafic ? En trois mois, le discours a changé. « Les effets de la mise en service des LGV constituent le module 3 de notre méthode de calcul basée sur un modèle économétrique », avance Éric Héraud sans reprendre son souffle. Pour bétonner son propos, le responsable des relations presse dégaine un document intitulé « évolution et perspectives de trafic à Nantes ». Au bas de la dernière page, un encadré confirme l’existence de ce fameux module 3.

Volte-face

En réalité, le mot TGV n’est pas totalement absent de l’enquête menée en 2006. « La concurrence TGV » fait même partie des neuf variables-clés prises en compte dans l’élaboration des scénarios de trafic pour 2050. Mais, dans le texte, les projets à venir se résument à un seul chantier : « le barreau Sud » d’Ile-de-France qui, à l’horizon 2025, permettra à l’ensemble des LGV à destination de la capitale de faire halte dans les aéroports parisiens. Le projet s’étendra au maximum sur 31 km. Une broutille comparée aux 4500 kilomètres des futures lignes envisagées.

4469 km de lignes jamais mentionnées

« Ces futures lignes LGV ont bien entendu été prises en compte » , se défend Eric Héraud. Pour prouver la bonne fois de l’institution, Franck Lisio, membre du bureau de la prospective avance même des chiffres. « Au global, l’effet des LGV à Nantes-Atlantique est estimé à une perte de 120 000 passagers en 2030 avec un maintien des liaisons aériennes sur Orly et CDG (Roissy-Charles de Gaulle, ndlr) », affirme l’expert pressé de clore le débat. En décomposant ce chiffre, la DGAC nous apprend que 72000 passagers seront perdus par l’aérien à cause des 8 minutes gagnées sur le trajet Nantes-Paris par la LGV Bretagne-Pays de La Loire, tandis que les 50000 voyageurs restants seront aspirés par l’ensemble des autres lignes.

Une méthode de calcul classée secret-défense

Et pourquoi, si l’impact des futures LGV a été pris en compte, celles-ci ne sont-elles pas mentionnées dans l’enquête menée en 2006 par la DGAC ? Il reste pourtant de la place dans la case « Concurrence du TGV » qui compose la grille des variables clés. « Parce que leur impact est vraiment anodin », rétorque Franck Lisio. Anodin ou relativisé ? Sur ces questions, la DGAC est passée maîtresse dans l’art des réponses évasives.

La future gare TGV d’Orly ignorée

Prenons la ligne Nantes-Orly. Aux alentours de 2025, une nouvelle gare TGV, directement reliée, grâce au « barreau Sud », aux LGV en provenance de tout le pays, verra le jour dans le deuxième aéroport de France. « En 2011, le projet a reçu un avis favorable à l’issue du débat public, il reste des étapes mais c’est sur le bon chemin », se félicite François Guliani, responsable de l’Interconnexion Sud-Ile-de-France chez Réseau ferré de France (RFF). Fini donc l’arrivée dans la bousculade de Montparnasse et les valises trainés dans le RER. Les Nantais qui voudront décoller pour les Antilles depuis Orly, pourront rejoindre l’aéroport en 2h30 sans descendre de leur wagon. Une bonne raison d’aller, en train, prendre l’avion.

Pourtant, « la future gare d’Orly n’a pas été prise en compte dans les estimations de trafic de Notre-Dame-des-Landes », reconnait Franck Lisio du bureau de la prospective et des perspectives de la DGAC. Comment pourrait-il le nier ? Dans l’enquête préalable à la déclaration d’utilité publique, cette lacune est inscrite noir sur blanc. On y apprend que, sauf à considérer le scénario le plus négatif (qui fait tomber le nombre de passagers réguliers en 2050, à 4,4 millions), les estimations du trafic sont basées sur une « offre TGV minimale sans desserte d’Orly ». Soit un flagrant déni de la concurrence des futures installations ferrées.

Air France remplace ses avions par des trains

À Strasbourg, Air France, inquiète de voir ses passagers lui préférer le TGV, a pris les devants. Le 3 avril prochain sa ligne aérienne Strasbourg-Roissy va être supprimée. Pour acheminer ses 100 000 passagers de l’Alsace à Paris, Air France va ainsi remplacer ses avions par des trains, affrétés auprès de la SNCF. Le dispositif, qui existe déjà entre Paris et Bruxelles permet « de diminuer les coûts », explique Thierry de Bailleul, directeur régional France-Est chez Air France.

L’association Nexus promet le même destin funeste au vol Nantes-Roissy. En 2006, au moment de l’enquête de la DGAC, cette ligne, la plus fréquentée de l’aéroport, arborait fièrement ses 301 000 passagers. Mais pour Bernard Fourage, « en 2024, avec l’interconnexion Sud Ile-de-France, la ligne aérienne Nantes-Roissy n’existera plus ». Selon Les Échos, en 2008 Air France s’était en effet engagée dans une réduction de ses vols en régions. Interrogée, la compagnie se garde bien de clarifier ses projets. « Pour l’instant aucun projet semblable à celui de Strasbourg n’est envisagé », précise Raphaëlle Liu Ting, attachée de presse. « La rentabilité n’est pas notre seul critère », explique-t-elle.

Un réseau ferré plus solide entre Nantes et Roissy

« Tout ça m’échappe »

L’association Nexus croit voir clair dans le flou de la DGAC. « Évidemment personne ne peut détailler les calculs de l’impact LGV puisqu’ils n’existent pas », jubile Bernard Fourage. Il y a trois mois, à en croire le premier mail envoyé par Eric Héraud, lui et la DGAC semblaient tomber d’accord là dessus. Alors entre le mail catégorique envoyé au journaliste du Télégramme et l’apparition du mystérieux modèle économétrique dans le discours de la DGAC, que s’est-il passé ? Les estimations de la DUP réalisées en 2006 ont-elles été révisées quatre ans après la publication du document ? Entre 2006 et 2013, les chiffres sont pourtant restés les mêmes. « Car quand il a été élaboré, le document prenait déjà en compte l’impact LGV », soutient Éric Héraud. Dans ce cas pourquoi écrire un mail affirmant le contraire ? « Tout ça m’échappe », fini par lâcher le communicant.

Source : http://www.terraeco.net/Trafic-de-Notre-Dame-des-Landes,48459.html

Rédigé par Collectif du Pays de Morlaix contre l'aéroport de Notre Dame des Landes

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