Notre-Dame-des-Landes, une résistance qui ne se laissera pas dicter sa conduite

Publié le 14 Décembre 2012

La semaine dernière deux tribunes successives sont parues dans Le Monde du 6 décembre. Elles sont le fait de "présidentes", "porte-paroles", élus d'organisations et partis politiques. Elles portent un point de vue qui paraît englober tout le mouvement d'opposition à l'aéroport de Notre Dame des Landes. Elles ont en commun d'affirmer que le mouvement a toujours été "non-violent", que l'hostilité face à la police était le fait d'infiltrés policiers, que la manifestation du 17 novembre était "pacifique"...

Pour nous qui partageons cette lutte, cette réécriture de l'histoire est pour le coup violente. Nous ne pouvons laisser quelques tribuns et porte-paroles auto-proclamés rayer d'un coup de plume ce que nous avons vécu ces dernières années. La complexité de notre réalité, faites de long débats et de contradictions, de pratiques multiples mais aussi de liens qui se tissent, s'est encore intensifiée depuis le 16 octobre et le début de la vague d'expulsion. Nous savons que l'écriture de l'Histoire est généralement le privilège des dominants. Qu'ils soient premier ministre ou président d'honneur d'une association citoyenne, ceux-ci semblent toujours estimer que, quand bien même on viendrait piétiner nos maisons et nos cultures, il nous faudrait rester calmes et polis. Si nous ne nous étions pas défendu.e.s, il n'y aurait probablement plus grand monde pour parler de la ZAD aujourd'hui, moins encore pour y vivre.

RENCONTRES ET SOLIDARITÉS MUTUELLES

Nous avons lancé, il y a plus d'un an, l'appel à une manifestation de réoccupation en cas d'expulsion et avons participé à son organisation par le biais d'une assemblée ouverte réunissant jusqu'à 200 personnes. Le 17 novembre, 40 000 opposants à l'aéroport se sont réunis. L'objectif de cette action directe massive n'était certes pas l'affrontement et nous avions décidé dans ce contexte de porter une attention particulière à ce que celles et ceux qui ne le souhaitait pas puissent l'éviter. Pour autant nous nous étions préparés en amont aux possibilités de barrages et à la nécessité d'auto-défense des manifestants en cas d'agression policière. Si certains peuvent dire à posteriori que cette action collective a été "pacifique" c'est bien parce que les forces de l'ordre ont choisi de s'effacer ce jour là face à la force du mouvement.

Quelques jours plus tard, quand les troupes sont revenues pour expulser, détruire et blesser, des centaines de personnes de tous horizons ont fait face, avec des chants, des sittings mais aussi des cailloux et des bouteilles incendiaires. Toutes celles et ceux qui ont partagé ces journées savent bien que cette diversité de réponses n'a pas été tant source de scissions et de séparations, mais bien plutôt de rencontres et de solidarités mutuelles.

La réalité du mouvement c'est une multitude de personne qui font de la logistique, des repas, de la communication, des collages, des dossiers juridiques, des lance-pierres, des sabotages d'engins de chantier, des pansements, des chansons, qui construisent des maisons, cultivent, laissent des marques sur les bureaux de ceux qui nous attaquent, se couchent sur les routes ou y courent masqués... Beaucoup d'entre nous partagent ces différentes manières de se rapporter au mouvement suivant les heures, les jours, les montées de colère, de joie ou les réflexions tactiques... Ce que nous vivons sur le terrain, ce n'est pas une nécessité de s'affirmer comme violent ou non-violent, mais une volonté de dépasser ces catégories idéologiques et séparations neutralisantes. Nous sommes un peu trop complexes pour rentrer dans les caricatures du pouvoir : "ultras", "gentil écolos", "opposants historiques", "jeunes zadistes"...

Fort heureusement, et malgré les tentatives désespérées de la Préfecture, les divisions posées en ces termes n'ont plus eu tellement de prises sur les dynamiques de ces dernières semaines. Quand des paysans mettent en jeu leurs tracteurs et les enchaînent auprès des barricades, quand des trous sont creusés dans les routes, quand la police est prise en embuscade, il s'agit de se donner les moyens adéquats pour répondre à la situation. Ce que nous voulons mettre en avant, maintenant, ce ne sont pas des mots magiques brandis en totems comme autant de brides sur nos potentialités collectives, mais une détermination commune à ce que cet aéroport ne se fasse pas.

Quant aux profiteurs et aménageurs, nous ne nous faisons pas d'illusion sur le fait qu'ils continuent d'imposer leurs projets par la force. A nous de faire en sorte que les concrétiser finisse par leur nuire plus que de les abandonner.

Darianne Ming, Camille Eustache, Mickael Delmouche, résistants à l'opération César

L'Opération César, débutée le 15 octobre, vise à expulser les occupants illégaux des terrains où doivent commencer prochainement les premiers travaux de construction du projet aéroportuaire du Grand Ouest.

Paru dans Le Monde du 13 décembre 2012

Darianne Ming, Camille Eustache, Mickael Delmouche, résistants à l'opération César

Rédigé par Collectif du Pays de Morlaix contre l'aéroport de Notre Dame des Landes

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